Accepter une résidence photographique à Corbeil-Essonnes lorsqu’on vit à Marseille, c’est s’obliger à porter son regard au-delà des apparences d’une ville qui semble crouler sous le poids de l’ennui.
En décidant de m’intéresser à la jeunesse, j’ai sciemment occulté les préjugés qui plombent une banlieue où je n’avais jamais mis les pieds.
Vers les jeunes, donc. Quelle est leur place ici? Que font ils? Direction le lycée Robert Doisneau, formidable porte d’entrée vers la ville, où 2700 élèves se retrouvent chaque jour au bord de la nationale 7, face à la cité des Tarterêts. Ils viennent de tous les horizons, de tous les milieux, et cohabitent dans un équilibre maintenu par un profond désir de vivre. Surprise ! Ils n’ont pas l’air malheureux !
En immersion, on s’attache très vite, surtout lorsqu’on est bien accueilli. Me voilà collé à quelques petits groupes en dehors du lycée. Mes guides. Le sandwich sur le parking du supermarché, le club de boxe, la MJC… Quand arrive le soir, ça se complique. Une fois le kebab englouti chez un des innombrables Grecs, la scène ouverte du Café de la gare le vendredi soir est à peu près le seul échappatoire.
Sûr que pour les soirées, il vaut mieux se débrouiller seul. Alors on s’envoie des téquilas paf dans des gobelets en plastique au fond d’un jardin en soufflant dans les volutes de fumée que « la Californie, c’est notre rêve à tous ». J’ai beau insister, personne n’a l’air de s’ennuyer. Preuve en est : « -Demain on va à la Gay Pride, tu viens avec nous ? -Yesss ! »
J’ai quitté la ville les yeux embués…avec une féroce envie de continuer à photographier ce beau petit monde, encore et encore.